LE BELUGA

Le froid intense qui règne sur les régions arctiques est hostile à la plupart des formes de vie. Quelques êtres vivants réussissent pourtant à vivre dans ces régions. C'est le cas du béluga blanc, Plus de 60 000 bélugas vivent dans les eaux qui baignent le Canada, l'Alaska, La Russie, la Norvège et le Groenland.C 'est un véritable défi que de vivre dans les mers de l'Arctique. L'eau, à cause de sa salinité, peut atteindre des températures de -1 ou -2° C sans geler. Il faut savoir que la chaleur du corps se dissipe environ 20 fois plus vite dans l'eau que dans l'air. Comment les bélugas se protègent-ils contre un froid aussi impitoyable ?Leur taille est déjà en soi une protection contre le froid : leur longueur moyenne est de 4 à 4,6 m, et leur poids peut aller jusqu'à 1,6 tonne. Nous avons déjà évoqué le fait que plus un corps est petit, plus il perd rapidement sa chaleur. Par sa taille, la baleine augmente donc son efficacité énergétique.De plus, le corps du béluga est parfaitement fuselé, pour réduire sa surface corporelle. Pas de pavillons d'oreilles, pas de nez, pas de nageoire dorsale, aucune bosse ou protubérance. Même ses nageoires pectorales sont réduites à leur plus simple expression.Mais tout ceci n'est pas suffisant pour que le béluga puisse maintenir sa température corporelle à 37°C. Il a aussi besoin d'isolant.Pour les animaux terrestres, la fourrure est un excellent moyen de lutter contre le froid. L'air emprisonné dans les fibres de la fourrure isole l'air froid de l'extérieur de l'air chaud sur la peau. Mais, dans l'eau, la fourrure perd son efficacité. Le béluga est donc muni d'un autre moyen d'isolation, sous-cutané : il est enveloppé d'une couche de graisse, appelée lard, pouvant atteindre 10 cm d'épaisseur.L'avantage est que cette couche de graisse assure en même temps la flottabilité du béluga, et favorise sa forme lisse et profilée.A la naissance, le petit béluga, de couleur gris-brun, est particulièrement vulnérable : il est maigre et quasiment dépourvu de lard. Il entre dans la vie poussé hors du réconfortant lagon tropical que représente le ventre de sa mère et est projeté dans le froid cruel des mers arctiques.Comme il n'a pas suffisamment de lard, sa flottabilité est réduite et il coule dès qu'il s'arrête de nager. Il dépense donc énormément d'énergie à nager, et à conserver sa chaleur dans une eau dont la température est proche de 0° C.

Heureusement, le lait des femelles bélugas est extrêmement riche : il contient dix fois plus de matières grasses et cinq fois plus de protéines que le lait de vache, par exemple. Le baleineau doit boire beaucoup de lait pour fabriquer le plus rapidement possible cette épaisse couche de lard qui le maintiendra au chaud et garantira sa flottabilité. Les bélugas sont de grands migrateurs. Après avoir passé l'été dans des régions arctiques telles que les côtes de l'Alaska, la baie d'Hudson, où les côtes de la Russie, ils entreprennent à l'automne leur migration vers le sud. En effet, pendant l'hiver arctique, la banquise côtière se forme : elle bloque tous les fjords, et empiète sur la côte, partout où se trouve de l'eau sous forme liquide. Or, comme toutes les baleines, le béluga est un mammifère. Il doit faire surface pour respirer. La formation de la banquise le chasse donc vers les régions subarctiques, vers des zones de glace brisée en dérive, où il peut trouver de l'eau libre. Ils vont passer l'hiver dans la mer de Béring, le détroit d'Hudson, le détroit de Davis et la baie de Baffin. Puis vers le mois d'avril, ils remontent vers leurs sites estivaux. De nombreux dangers les guettent lors de cette migration. Les bélugas se faufilent à travers les chenaux de la banquise côtière qui se désagrège. Mais, aux endroits où les chenaux se rétrécissent, où lorsque les trous dans la banquise permettent de prévoir où les baleines vont faire surface, les ours blancs sont aux aguets. Parfois, le vent et le froid sont des ennemis encore plus dangereux. Ils obstruent les chenaux. Il arrive que des bélugas se trouvent emprisonnés dans une petite étendue d'eau libre au milieu de la banquise figée. Ils doivent alors attendre que la chaleur libère le passage, parfois pendant plusieurs jours. Si le froid persiste, ils risquent de voir leur trou de respiration se refermer, et de mourir d'asphyxie. Mais la récompense de ce voyage long et périlleux est l'abondance de nourriture quand ils arrivent à destination. Le béluga attrape ses proies par succion : un poisson qui passe à quelques centimètres de sa bouche y est aspiré en un éclair. Le béluga se nourrit indifféremment de capelan, de hareng, de saumon, de poissons plats, de crevettes, de calmar ou de morue. Comment ne pas s'émerveiller devant la richesse de la nature ?

Description

Le béluga est une petite baleine. Il est complètement blanc, et “baleine blanche” est un autre nom pour cet animal. Comme les dauphins et les orques, ils ont des dents. Les très grosses baleines, comme la baleine bleue, n’ont pas de dents. Le poids d’un gros béluga est environ 1 500 kilogrammes, et sa longueur est environ 5 mètres. Ils mangent des poissons, homards, crabes, et calmars. Pour trouver leur nourriture et pour naviguer, ils utilisent les sons, exactement comme les chauves-souris. Ils font un son, puis ils écoutent l’écho. Ils habitent dans l’océan Arctique, la baie d’Hudson, et aussi au Québec dans le fleuve St-Laurent et dans la rivière Saguenay. Pour avoir chaud dans l’eau très froide, ils ont beaucoup de graisse sous leur peau. Comme toutes les baleines et dauphins, ils respirent de l’air. S’ils trouvent un peu de glace sur l’eau, ils brisent la glace avec leur tête très dure pour respirer.

 

Origine de la population de béluga de l'Estuaire du Saint-Laurent

Il y a plus de dix mille ans, une grande partie de l'Amérique du Nord ployait sous le poids d'une épaisse couche de glace qui s'étendait vers le sud jusqu'à l'état de New York (lui-même couvert). À mesure que le climat planétaire s'est réchauffé, la glace a commencé à fondre, le niveau de la mer s'est élevé et l'Océan Atlantique a envahi les terres, vers l'ouest, rejoignant presque les Grands Lacs en recouvrant les États de New York et du Vermont sur son passage. Cette immense étendue d'eau salée, la Mer de Champlain, était limitée au nord (le Québec actuel) par une région au climat Arctique et était peuplée par six espèces de cétacés, dont le narval et le béluga. (On retrouve encore des ossements fossilisés de ces animaux dans les terres agricoles de l'Ontario et près de la ville de Québec, à Saint-Nicolas ). Le climat continuant de se réchauffer, l'immense glacier recula vers le nord. Le continent, libéré du poids de la glace, se releva et l'Océan Atlantique retraita vers l'est, causant l'assèchement de la mer de Champlain. L'habitat de la faune Arctique recula vers le nord, dans ses limites actuelles. Une population d'environ 650 bélugas est ce qui reste de ces populations ancestrales. On estime qu'au début du siècle, cette population comptait 5,000 baleines. Ainsi en 70 ans, 90 % de cette population, un reliquat de l'histoire du continent nord-américain, est disparu, ce qui lui a valu de recevoir le statut de population menacée de la part du gouvernement canadien en 1980.

Cette population habite maintenant de façon permanente un micro-environnement Arctique. Il s'agit d'un court segment de l’Estuaire du Saint-Laurent centré approximativement sur l'embouchure de la rivière Saguenay. Le long de la côte Nord de l'estuaire, le courant glacé du Labrador coule en profondeur (l'eau froide est plus lourde que l'eau chaude) à "contre-courant", c'est-à-dire vers le sud-ouest, dans les profondeurs du chenal Laurentien. À la hauteur de Tadoussac, la profondeur du fleuve passe subitement de 10 à 300 mètres, là où la rivière Saguenay joint le fleuve. (En amont, le fleuve Saint-Laurent est peu profond, jusqu'aux grands lacs). Le courant du Labrador, se heurtant à cet endroit à une véritable falaise sous-marine, fait surface. L'eau glacée émerge alors, créant des conditions marines quasi arctiques. Ce courant glacial charrie aussi une quantité énorme de sédiments vers la surface, et donc une grande quantité de matières organiques est mise ainsi en suspension dans l'eau. Ces matières organiques servent de nourriture au plancton, qui sert de fourrage aux baleines à fanons. (En contraste avec les bélugas, les baleines à fanons sont des visiteurs saisonniers, qui séjournent dans cette région seulement durant l'été et tôt à l'automne). Des populations denses de poissons se nourrissent aussi de plancton et ces poissons servent à leur tour de nourriture pour les bélugas et les autres mammifères marins de l'Estuaire. Ces circonstances écologiques très particulières ainsi que l'adaptation physiologique et morphologique des bélugas à l'eau froide font que cette population de bélugas est maintenant prisonnière de ce segment de l'Estuaire.

L'Estuaire du Saint-Laurent draine maintenant le quart oriental de l’Amérique du Nord, une des régions les plus industrialisées du monde. Le fleuve Saint-Laurent est donc contaminé depuis des décennies par les rejets industriels de cette partie de l'Amérique du Nord. De nos jours, les herbicides et fertilisants utilisés par l'agriculture moderne contribuent aussi à la charge polluante du fleuve.

Pourquoi en Danger d’Extinction?

Les chasseurs ont tué beaucoup de bélugas. Maintenant, les bélugas sont protégés, mais ils ont un autre probleme. Au Québec, le fleuve St-Laurent et la rivière Saguenay sont pollués. La pollution vient des grandes usines et des villes au bord des rivières, et aussi des villes au bord des Grands Lacs. Les Grands Lacs sont la source du fleuve St-Laurent. Cette pollution empoisonne les bélugas. Les bélugas qui sont morts dans le Saguenay ou dans le St-Laurent sont si plein de poison qu’on appelle les bélugas morts dechet toxique! Comment Sauver les Bélugas? La population d’environ 500 bélugas est stable dans cette région, mais la population n’augmente pas, même avec la protection. Il est nécessaire, maintenant, de diminuer la pollution dans le St-Laurent et le Saguenay. Il est nécessaire, aussi, de diminuer la pollution dans les Grands Lacs.

 

UNE SITUATION ENCORE PRÉCAIRE

Au siècle dernier, les bélugas fréquentaient en grand nombre l'estuaire du Saint-Laurent. Mais on a longtemps cru qu'ils nuisaient à la pêche commerciale car, disait-on, ils se nourrissaient des poissons recherchés par les pêcheurs, en particulier le saumon atlantique. Une prime fut même accordée pour chaque béluga éliminé, ce qui a eu raison de leur grand nombre. La chute dramatique de leur population a inquiété les autorités, ce qui a mené à l'adoption d'une législation destinée à la protéger.

Depuis 1979, le Règlement sur la protection du béluga (Art. 78) de la Loi sur les pêches du gouvernement canadien protège les bélugas du Saint-Laurent. En outre, en 1983, le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada attribuait au béluga du Saint-Laurent le statut de population «en danger de disparition».

Aujourd'hui, la principale menace qui pèse sur ces animaux provient de diverses causes dont les effets se cumulent: perte d'habitat, facteurs environnementaux adverses et pollution. Les grands mammifères marins ont tendance à accumuler les substances toxiques dans leurs tissus. C'est du moins ce que tendent à démontrer les différentes études menées sur le béluga dans les années 1980, qui établissent clairement leur haut niveau de contamination.

MALADIES ET CAUSES DE MORTALITÉ DES BÉLUGAS DE L'ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT

Les bactéries, virus, parasites et le cancer sont les causes primaires de mortalité et de maladie des bélugas du Saint-Laurent.  Les tissus de ces baleines sont contaminés par de fortes concentrations de composés d'origine industrielle aux propriétés cancérigènes ou immunodépressives chez toutes les espèces animales chez lesquelles ils ont été testés.

Cancer

Un peu plus d'un adulte sur cinq (27 %) souffrait de cancer. Dans le monde occidental, le cancer cause 23 % de toutes les morts chez l'homme, un pourcentage similaire à celui des bélugas du Saint-Laurent. Un tel pourcentage n’avait jamais été observé chez une population d’animaux sauvages, où que ce soit dans le monde, qu'il s'agisse d'animaux terrestres ou aquatiques (en excluant les poissons). À notre connaissance, c'est la première fois qu'une population de mammifères sauvages est comparable à l'homme à cet égard.

Le taux de cancer chez les bélugas échoués est aussi beaucoup plus élevé que celui observé chez les autres cétacés. Seulement 28 autres cas de cancer ont été rapportés chez les cétacés captifs et sauvages dans le monde. Donc, les cancers observés chez les bélugas du Saint-Laurent représentent environ la moitié de tous les cancers rapportés chez les cétacés, captifs et sauvages, dans le monde .

Virus

Cette jeune femelle a été récupérée le 3 septembre 1984 alors qu'elle dérivait au large de Rimouski. De grandes surfaces de peau étaient nécrotiques à cause d'une infection de l'épiderme par un virus herpés.Cet animal était aussi affecté par un ulcére gastrique perforé, par une péritonite, une hépatite chronique et une bactériémie (présence de bactéries dans le sang)

Trauma

Cette femelle adulte a été récupérée à Saint-ulric de Matane en juillet 1995. Une lacération en forme de "C" de 50 cm de longueur, dont les lèvres sont couvertes de fibrine, implique toute l’épaisseur de la paroi abdominale, exposant ainsi le contenu de la cavité abdominale. Cette lacération a été causée par une hélice de petite embarcation. (Seule une hélice peut causer une déchirure semblable, et les hélices d'un navire de fort tonnage, comme un cargo par exemple, aurait carrément découpé la carcasse en morceaux plus petits).Des facteurs autres que la pollution impliquent l'activité humaine comme 

Dérangement

Des chercheurs ont noté que l'observation à partir de bateaux, pratiquée sur une grande échelle, dérange les bélugas. Ils ont conclu que le nombre de bateaux d'observation opérant dans l'habitat des bélugas du Saint-Laurent est trop élevé. En plus du grand nombre d'embarcations, la curiosité naturelle des bélugas pourrait les exposer aux blessures dues aux hélices. Ces chercheurs ont aussi rapporté que les bélugas passent sous la coque des petites embarcations, fréquemment sous les hélices.

Dystocie (problémes de mises bas)

La queue du veau, pliée anormalement dans le vagin, empêchait la parturition normale ! Chez les cétacés, la queue du nouveau-né passe souvent la première. Normalement, la mère aide le veau à respirer à la surface immédiatement après la naissance. Ici, manifestement, ce scénario ne s’est pas déroulé normalement. La femelle et le veau sont morts d’épuisement et d’asphyxie, respectivement

Contaminants

Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) constituent une famille de composés dont les membres sont présents en quantité abondante dans l’environnement des bélugas. La formation de HAP dérive de la combustion incomplète des matières organiques. (Les matières organiques sont composées en grande partie de carbone). Ainsi, les feux de forêt, les volcans, la cigarette mais également plusieurs procédés industriels sont tous des sources de HAP dont certains sont utilisés pour la production d'aluminium.

Composés organochlorés (oc)Chaque béluga adulte renferme dans ses tissus une moyenne de 20 à 30 grammes de BPC pur, soit à peu près le fond d'un pot moyen de beurre d'arachide.  Un nouveau-né en contient proportionnellement beaucoup plus parce que sa mère lui en transmet une grande quantité dans son lait. Ainsi, l'ensemble du troupeau du Saint-Laurent est dépositaire d'une vingtaine de kilogrammes de BPC, soit presque l'équivalent d'un seau de grosseur moyenne ou de la quantité retrouvée dans l'ensemble du cheptel bovin canadien (20 millions de têtes)!

Metaux lourds, dont plusieurs ont aussi des propriétés immunosuppressives, contaminent les bélugas du Saint-Laurent. Le Dr S. De Guise a démontré in vitro que les concentrations en mercure retrouvées dans le foie des bélugas du Saint-Laurent sont suffisantes pour diminuer la réponse proliférative normale de cellules immunitaires (lymphocytes et splénocytes) de bélugas.